Les paladins se sont sacrifiés pour protéger notre retraite, afin que nous puissions gagner le couvert des piémonts. L’information devait absolument vous arriver, quel qu’en soit le prix.
Le chemin était pénible. Nombre d’hommes étaient blessés. Les provisions étaient rares. Le temps exécrable. Notre progression s’est insensiblement ralentie. Le dernier thallion ouvrait la voie avec les rares faucheurs survivants. Je savais que leurs réserves de poudre étaient au plus bas et qu’ils ne tireraient qu’en cas de nécessité absolue. J’ai échoué à maintenir le rythme de la colonne. Je n’ai vu que trop tard que l’avant-garde avait perdu le contact, quand les zombies se sont dressés devant nous.
Le danger immédiat était faible, mais quelques blessures supplémentaires dans les rangs de mes hommes n’allaient pas améliorer la situation. Je m’inquiétais déjà du temps que cette escarmouche allait nous faire perdre. Plus encore, je craignais pour mon avant-garde. Pas pour les hommes, Mérin les garde, mais sans eux je devenais aveugle et cela mettait ma mission en grave risque d’échec.
J’ai accueilli la cavalcade avec plaisir. Les Sessairs, centaures en tête, ont plié l’affaire en quelques passes d’armes, nous ouvrant la voie avant que l’encerclement ne soit bouclé. J’ai hélé le centaure qui semblait les commander. Il n’a pas tergiversé, louée soit la vitesse de décision des keltois.
" Prenez le chemin des montagnes, votre sécurité sera assurée."
A peine sa phrase achevée qu’il repartait au galop, fauchant les zombies sur son passage comme des blés trop mûrs.
Notre progression fût pire encore en cherchant les cimes, mais seules les intempéries se dressaient sur notre route. Nous avons trouvés deux de nos hommes morts de froid, au milieu de quelques signes indiquant que notre avant-garde ouvrait toujours le chemin.
Quatre jours s’étaient écoulés quand j’ai entendu le coup de feu résonner. Pas loin de nous. Nos hommes sont bien formés. Ceux du royaume d’Alahan aussi. Aucun ordre n’a été nécessaire mais tous se sont mis au pas de course. En franchissant l’éperon, notre ligne de combat était le maximum qu’on pouvait demander à cette troupe. Que Merin pardonne mon orgueil, mais à cet instant j'étais fier de mes hommes. Pourtant nous n’aurions pas pu sauver l’avant-garde. Les morts-vivants étaient trop nombreux. Nous avons d’ailleurs tous compris que personne ne survivrait à cette nouvelle rencontre. J’ai même envisagé de quitter mes hommes, dans une tentative désespérée que le message puisse vous parvenir envers et contre tout.
Quand le rocher a écrasé le guerrier Crâne qui menait les non-morts, je suis resté coi. Puis les flèches ont commencé à ravager leurs rangs. Nous n’avons pas vus tout de suite les tireurs, mais les viretons se fichaient dans les os et les squelettes retombaient inanimés les uns après les autres, nous n’avions pas besoin de plus pour lancer la charge.
C’est quand les premiers orques ont rejoint notre ligne, en amont de nos troupes, que je me suis posé la première question. Mais le combat ne laissait pas de place à de telles futilités. Même si les orques s'en prenaient prioritairement aux cibles que leur indiquait une humaine, d'une redoutable efficacité avec son arbalète. Après une heure de durs efforts, les morts-vivants étaient tous morts à nouveau. La moitié de mes hommes avait succombé, mais notre mission pouvait de nouveau réussir.
Les orques se sont retirés sans même chercher à engager la conversation. C’est alors qu’elle s’est détachée de leurs rangs pour nous rejoindre, drapée dans ses fourrures et l’arbalète sur l’épaule. Elle m'a désigné la vallée et nous a conduit en sûreté sur des chemins vertigineux, jusqu’à ce que nous soyons en vue de la citadelle, en contrebas. Elle n’a pas dit un seul mot durant ces quelques heures et ne nous a quitté que lorsque nous sommes arrivés à portée de fusil de la citadelle.
Si elle n’avait pas dirigé les orques à notre secours, ce message n’aurait jamais pu arriver jusqu’à vous, maintenant vous connaissez le danger qui pèse sur la citadelle : la sûreté de la passe est menacée.
Extrait du rapport d’une mission de reconnaissance avancée dans la baronnie maudite.
Auteur inconnu, incarcéré au plus grand secret et retrouvé décapité dans sa cellule.
Archives confidentielles du légat impérial de Kaïber.
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Volonté.
Il était rare de croiser des vivants si loin lors d'une reconnaissance dans les piémonts du Béhémoth. Cette terre était la terre des non-morts. Les bruits de la bataille avaient attirés les Sessairs. Seuls quelques paladins survivaient encore, obstinés dans leur défense, mais ils étaient clairement condamnés.
Morrigan hésita quelque peu, il était peu probable de les sauver, & ce combat indiquerait aux nécromants maudits que le clan du Corbeau connaissait les chemins menant à cette partie des montagnes. Pourtant elle donna le signal du combat.
Chargés dans le dos, les morts-vivants furent balayés en une poignée de minutes. D'autant que le nécromancien restait concentré sur son objectif en dirigeant ses pantins pour achever les derniers paladins sans guère se soucier des barbares. Il n'échoua que de très peu. Le dernier paladin expira dans les bras de Morrigan, en ayant le temps de bredouiller quelques mots à peine cohérents.
- "Delan.... je suis Delan.
La patrouille.... attaquée.
Arrière-garde.... sacrifice... nous savions...
Mission prioritaire...message doit... atteindre Kaïber.
Il faut... protéger survivants... partis... collines.
Mes hommes..."
- "Nous les brûlerons", le coupa le centaure avec un signe de tête appuyé. Tous ceux qui se battaient pour la Lumière savaient le sort réservés aux cadavres sur les terres d'Achéron.
Le paladin ferma les yeux, un sourire fugace sur les lèvres. Puis, rassemblant ses dernières forces il tendit son épée :
- "L'épée de ma famille... une lame digne d'être sauvée... elle... s'appelle..."
Délaissant le cadavre du paladin, Morrigan & son compagnon centaure se réunirent pour appréhender la situation. Quelques minutes plus tard, laissant le centaure & le reste de la troupe s'occuper des cadavres avant de partir à la recherche de la colonne perdue ; Morrigan, une nouvelle épée à sa ceinture, s'en alla avec une escouade de ses meilleurs hommes en direction des hauts-pics. Son torque servirait de nouveau : sans l'aide des orques, elle savait qu'ils n'auraient aucune chance de remplir une telle mission.