Léodan a toujours été un homme dur. Son père l'était. Et son père avant lui. Peut-être était-ce la dure vie dans la baronnie d’Icquor qui forgeait ainsi les hommes, mais cela lui importait peu. Le guerrier n'avait jamais cherché ni excuses ni raisons. Comme tout les seconds nés il était prédestiné à la carrière militaire et celle-ci fut à l'image de son caractère : difficile.
L'homme avait toujours vécu sans compromis pour ses adversaires, ses camarades et moins encore envers lui même. Il disait ce qu'il pensait et faisait ce qu'il disait, ce qui n'avait pas toujours été du gout de ses supérieurs. À l'âge où ses années d'expériences lui aurait permis de prétendre à une vie paisible dans un état-major de la capitale, ses bottes battaient encore la campagne.
Un jour Léodan reprocha à un jeune officier de Doriman un mauvais mouvement qui avait mit en péril toute la troupe, seule sa force exceptionnelle à l'épée les avaient sauvés d'une vie de servitude dans les rangs d'Achéron. Son poing en travers du visage du jeune noble signa la fin de sa carrière militaire. Seule sa renommée et ses états de service permirent d’atténuer la sanction en un simple renvoi de l'armée du royaume d'Alahan.
Des mois plus tard, au fond du désert du Siharlana, Léodan errait seul. Sa caravane avait été attaquée, il avait survécu et massacré les assaillants mais n’avait pu protéger ses compagnons. Et il était perdu. Le doute se saisit de lui : était-ce ici, perdu au milieu de nulle part après avoir massacré des pillards, qu’il était le plus utile ? Il aperçut alors un vieux lion à l’ombre d’un arbre sec, attendant la mort. Léodan se rapprocha de ce majestueux vieillard et se vit en lui.
C’est alors qu’il entendit des pas derrière lui. Un homme s’approchait discrètement, vêtu d’une armure disparate suggérant qu’il avait appartenu au Temple, manifestement dans l’intention de tuer le vieux lion.
« - Que fais-tu ? » demanda brutalement Léodan
« - Je prépare mon repas, c’est la seule viande à des lieues qui ne soit infectée de mutagène… »
« - Tu ne tueras pas ce lion. » dit Léodan
« - Qui m’en empêchera ? »
« - Moi. » assura-t-il en dégainant.
« - Et qui es-tu toi, qui va mourir pour un repas ? » demanda l’homme, avec un accent akkylanien
« - Un vieux Lion… »
Les deux se mirent en garde. Ils allaient s’élancer quand un cri difforme leur parvint.
« - Des tigres ! » s’exclamèrent-ils. Ils montèrent en haut de la dune, et en virent trois accompagnés d’un kératis.
« - Tu nous as fait repérer avec ton armure dorée, on la voit à des lieues d’ici ! »
Ils savaient que les tigres étaient plus rapides qu’eux, ils ne pourraient pas éviter ce combat.
« - Fuis ! Je vais les retenir le temps que tu disparaisses » lança le templier et il s’élança faisant tourner son fléau. Il ne tarda pas à se rendre compte que le Lion n’avait non seulement pas fuit mais chargé avec lui, mais pour la première fois, leur style de combat correspondait et ils purent laisser sortir leur rage sans craindre pour l’autre compagnon d’arme.
Les tigres éliminés, Léodan repris sa posture de combat pour défendre le lion.
« - Ne t’en fais pas, les tigres sont les seules créatures comestibles de l’empire alchimique. Ils devaient être à court de mutagène… Partage mon repas, tu as bien combattu. »
Léodan hésita…
« - Je ne pose pas de questions. Mon nom est Kyrus. »
Léodan s’assit et ils dinèrent.
Le lendemain, le vieux lion était mort. Sa posture, le vent dans sa crinière, tout en lui respirait le calme. « La mort n’est qu’un passage… mais il faut partir serein après avoir accompli son devoir.» pensa Léodan.
« - Je vais à Tenseth. » dit Léodan.
« - Je peux t’accompagner. Mais tu dois masquer cette armure, je souhaiterai rester discret et tu brilles comme Lahn. »
« - Soit. » dit Léodan en regardant la fourrure du vieux lion.